Dans l’imaginaire collectif, un autiste, c’est quelqu’un de renfermé exceptionnel en maths, calme et qui se balance d’avant en arrière. Ce que beaucoup ne savent pas, c’est que les personnes autistes peuvent être confrontées à des décharges émotionnelles intenses (les meltdowns) et des effondrements internes (les shutdowns). Ces crises ont des origines variées, mais la surcharge sensorielle est la plus fréquente.
📋 TL;DR : Les crises autistiques en bref
- Shutdown = implosion (mutisme, retrait, immobilité).
- Meltdown = explosion (cris, pleurs, agitation).
- Ce ne sont pas des caprices, mais des réponses neurologiques à une surcharge.
- Pendant : réduire les stimuli, proposer calme ou présence.
- Après : repos, soutien, zéro reproche.
- Pour approfondir : [Shutdown] / [Meltdown]
On lit d’ailleurs dans de nombreux articles que ces crises autistiques ne leur sont pas propres, et que les allistes peuvent y être amenés lors d’un stress particulièrement intense. C’est pourquoi il ne faut pas confondre les crises d’épuisement ou les attaques de panique avec les crises autistiques.
Explication neurologique
En raison d’une hyperconnectivité cérébrale (Achuthan et al., 2023 et Limon & Corona-Moreno, 2025), les stimuli s’amplifient au lieu d’être filtrés. Tous les détails arrivent sans hiérarchisation. L’amygdale s’active aussi plus fortement (c’est le centre des émotions et de la peur), ce qui augmente le niveau de stress. Et finalement, le cortex préfrontal (qui gère la planification, l’autocontrôle et la prise de recul) arrive à saturation. C’est la surcharge, il plante. La réponse, spécifique à l’autisme, c’est le shutdown ou le meltdown.
Ces crises sont donc neurologiques et spécifiques à la structure cérébrale autistique. Chez les allistes, on peut voir des effondrements liés au stress ou des attaques de panique. Le shutdown et le meltdown sont spécifiques à la neurologie autistique : ce ne sont pas des équivalents, même si ça peut y ressembler vu de l’extérieur.
Définitions des crises autistiques
Il existe donc deux types de crises autistiques principales. Une étude menée par l’Université de Cambridge focalisée sur ces crises, sur une cohorte de 504 participants, 401 ont rapporté faire l’expérience de shutdowns (80%) et 358 de meltdowns (71%). Si ces crises ne sont pas universelles, elles sont donc très répandues dans la communauté autistique.
Le shutdown
Le shutdown, ou le repli autistique, est une réponse qui se rapproche du freeze. Il se manifeste par une inhibition motrice (ralentissement des mouvements voire immobilité), un mutisme partiel ou total et un retrait social. La personne peut sembler ne plus réagir aux stimuli, avoir du mal à communiquer — ou ne plus communiquer du tout —, et chercher à s’isoler.
Comme l’explique une étude qualitative (Phung et al., 2021) fondée sur des récits d’enfants autistes, les shutdowns sont des effondrements sensoriels, émotionnels, cognitifs et même physique. Cela explique pourquoi en sortant d’un shutdown, toutes les ressources vitales des personnes autistes sont épuisées.
Le meltdown
Le meltdown, l’explosion émotionnelle, se rapproche plutôt du flight/fight. Il consiste en l’activation extrême du système nerveux sympathique (libération d’adrénaline, agitation motrice, gestes brusques). Plus concrètement, il se manifeste non pas par un retrait social mais par un fort débordement émotionnel. Tout s’active. L’expérience est chaotique et très intense. Contrairement à une attaque de panique, la personne ne cherche pas un soulagement mais simplement que la douleur sensorielle ou émotionnelle cesse.
Une étude (Soden et al., 2025) suggère une hypoconnectivité intra-insulaire dans le cortex insulaire (région cruciale pour intégrer les informations corporelles, émotionnelles et sensorielles). Cela entraînerait une hypervigilance chronique et une réactivité excessive même face à des stimuli considérés comme neutres.

J’aborderai dans leurs articles respectifs la manière dont ces deux crises se manifestent, et mon vécu avec.
Les origines de ces crises
Pour chacune d’elles, les origines sont multiples mais il s’agit systématiquement d’une surcharge, qu’elle soit :
- Sensorielle : trop de bruits, lumières, mouvements, odeurs, contacts (tactiles) ou même saveurs
- Émotionnelle : forte anxiété, frustration ou même émotions positives dans certains cas
- Cognitive : imprévus, accumulation d’efforts pour comprendre, s’adapter ou masquer, trop plein d’informations
- Sociale : interactions trop longues ou intenses, conflits
Le hic, c’est que la surcharge n’est pas toujours évidente à voir venir. La personne autiste peut accumuler diverses sources de trop lourds stimuli sans se rendre compte qu’elle court à la crise. Et même si elle l’identifie, il est parfois déjà trop tard, ou impossible de se soustraire à la situation. Le premier shutdown que j’ai nommé de la sorte s’est produit après que ma meilleure amie ait déconstruit tout ce que je pensais savoir sur les enjeux de l’environnement.
Trop d’informations à enregistrer en peu de temps + altérations de mes perspectives → shutdown.

Retarder ses crises
Ma solution lorsque je perçois la crise arriver, c’est rentrer chez moi pour espérer la court-circuiter, ou en tout cas la retarder assez pour qu’elle se déclenche en sécurité. Les crises autistiques peuvent se manifester soudainement après la surcharge mais aussi à retardement, quand la personne autiste est isolée et en lieu qu’elle juge sûr. Je peux occasionnellement retarder un shutdown quelque temps mais ça ne fera que l’amplifier si je ne me sors pas des stimuli à risque. Retarder un meltdown m’est quasi impossible. La pression est si forte que je peux exploser sans prévenir.
Généralement, lorsqu’une personne autiste (dont moi) est au bord de la crise, elle risque de moins communiquer, se mettre à l’abri des stimuli sensoriels, stimmer plus intensément et fatiguer.
Il faut noter que toutes les personnes autistes ne font pas forcément de crises autistiques, ou alors sont sujettes à l’une, mais pas à l’autre.
Les signes précurseurs
Comme évoqués, les shutdowns et les meltdowns sont souvent précédés de divers signes précurseurs. On remarque souvent que la personne s’isole (ou cherche à s’isoler), ses hypersensibilités sensorielles sont nettement accrues, elle communique moins ou a des difficultés à s’exprimer. Elle se met à stimmer plus fortement pour tenter de réguler la surcharge en cours. Elle peut être fatiguée et/ou irritable et agitée. Vu de l’extérieur, elle peut passer pour quelqu’un de mauvaise humeur, fatiguée ou en train de bugguer. C’est pourquoi c’est à ce moment qu’il convient d’agir.

Stratégies de gestion
La personne autiste est souvent dans l’incapacité de fonctionner totalement, l’entourage peut alors l’accompagner au mieux pour réduire sa charge et l’aider à traverser la crise.
🌋🧊 Pendant la crise
Lorsqu’elle est déjà déclenchée, il est possible d’aider la personne autiste en plein shutdown ou meltdown par divers gestes simples : lui assurer un environnement calme, lui fournir ses objets sensoriels simples qu’elle en a, lui demander si elle l’accepte et lui apporter un contact physique (certaines personnes autistes trouvent les pressions corporelles apaisantes pendant la crise (c’est mon cas), notamment en demandant d’être serré fort dans les bras de quelqu’un d’autre). Le plus important, c’est de la laisser s’isoler si elle en a besoin. Ou d’être présent si elle le demande (et en a la capacité).
🛌 Après la crise
Il convient de le répéter : qu’il s’agisse du shutdown ou du meltdown, les crises autistiques laissent la personne autiste drainée. Il convient dès lors de laisser la personne prendre du temps pour se reposer, notamment si elle doit et peut maintenir une certaine fonctionnalité scolaire ou professionnelle. Si c’est possible, n’hésitez pas à lui offrir un soutient dans ses tâches quotidiennes (alimentation, ménage). Surtout, ne lui faites pas de reproches. La crise est neurologique, automatique, et hors de son contrôle.
🛡️ En prévention
Pour prévenir les crises, tout n’est pas aisé. Il faut cependant essayer de respecter au mieux les besoins de la personne autiste : éviter les lieux chargés sensoriellement, prévoir des pauses pour qu’elle se ressource, ne pas faire obstacle à ses routines et rituels. L’imprévu fait partie de ce monde. On peut cependant éviter de le multiplier pour offrir le maximum de prévisibilité à la personne autiste. Si tout cela peut paraître contraignant, c’est lié à un besoin neurologique du cerveau autiste.

Quand le cerveau multiplie les crises
Plusieurs mécanismes sont à l’œuvre dans cette particularité : après un shutdown/meltdown, le cerveau est plus susceptible d’en déclencher d’autres dans les jours ou semaines qui suivent. La première cause, c’est la réduction drastique du seuil de tolérance aux stimuli provoquée par la crise, donc un risque de rechute accru. Une étude a montré une habituation réduite de l’amygdale face à des stimuli répétitifs chez les personnes autistes. L’étude suggère une difficulté à filtrer les stimuli sensoriels et à se désensibiliser (Webb et al., 2017).
Le cerveau garde aussi une trace des crises. Il les enregistre comme il le ferait avec un traumatisme. L’amygdale serait sujette à une hypersensibilité émotionnelle (UCDavis Health). Elle réagit donc plus vite, ce qui peut amener le cerveau à déclencher d’autres crises plus vite et pour des charges parfois moins intenses.
En dernier lieu, les crises ne résolvent pas le problème. Elles bloquent seulement la charge qu’elles provoquent. Si le problème n’est pas résolu par la suite, il peut conduire à d’autres crises. J’ai déjà vécu plusieurs crises dans la même journée. La première était émotionnelle et sociale :
Incompréhension d’actes hypocrites
→ Frustration
→ Meltdown
→ Amplification des hypersensibilités
→ Shutdown
→ Problème émotionnel pas résolu + nouveau déclencheur lié
→ Meltdown (Une seule journée)
La nécessité d’être compréhensif
J’insiste alors sur le fait que ces crises ne sont pas volontaires, et sur la nécessité d’être compréhensif et bienveillant lorsqu’on est témoin d’un shutdown ou d’un meltdown. Il faut aussi retenir qu’on n’est pas toujours capable d’identifier la surcharge et donc prévenir la crise. Que si elle vous affecte d’une manière ou d’une autre, c’est d’abord la personne autiste qui est affectée. C’est elle la première victime. Mon témoignage n’est qu’un exemple : chaque autiste vit ses crises à sa manière.

La différence avec l’attaque de panique
Ou plus souvent appelée « crise d’angoisse ». Je les évoque car j’ai moi-même appelé mes crises autistiques de la sorte, n’ayant pas de référence plus juste quand je n’étais pas diagnostiqué. Pourtant, elles sont des réalités bien différentes. Les symptômes de l’attaque de panique sont d’ailleurs clairement définis par le DSM-5 (le manuel de diagnostic des troubles mentaux).
- Déclencheurs :
- Crises autistiques : surcharge sensorielle/émotionnelle/sociale/cognitive
- Crises d’angoisse : peur et stress intense, anticipation d’un danger
- Ressenti interne :
- Crises autistiques : besoin de se replier, fuite, douleur face aux stimuli, chaos intérieur
- Crises d’angoisse : peur de mourir, d’étouffer, de perdre le contrôle, impression d’un danger imminent
- Expression :
- Shutdowns : repli social, mutisme, immobilité
- Meltdowns : agitation, pleurs, cris
- Crises d’angoisse : palpitations, tremblements, hyperventilation, sensation d’oppression, réactivité toujours présente
- Durée :
- Crises autistiques : brusques, de quelques minutes à plusieurs heures selon l’intensité
- Crises d’angoisse : montent en intensité, pic autour de 10-20 minutes, puis redescente progressive
- Après la crise :
- Crises autistiques : fatigue extrême, besoin de s’isoler, de stimmer
- Crises d’angoisse : soulagement mais peur que ça recommence

Mes crises se manifestaient par des sensibilités décuplées qui envahissaient mon cerveau. Je fuyais alors l’environnement, m’asseyais, pleurais à chaudes larmes, me balançais, tapais les murs, et attendais que ça passe. J’appelais ça des crises d’angoisse par peur de paraître bizarre. Il s’agissait en fait de meltdowns.
Quelques idées reçues
« Le meltdown = caprice ou colère volontaire »
Réalité : Le meltdown est un mécanisme neurologique dont les causes sont une surcharge dont est victime la personne autiste. C’est un signe qu’elle a atteint ses limites et elle ne le contrôle pas.
« Le shutdown = mutisme volontaire, fatigue »
Réalité : Il s’agit là aussi d’un mécanisme neurologique qui inhibe (bloque) certaines ressources comme la parole, très coûteuse en énergie.
« Seuls les enfants font des crises »
Réalité : Les enfants sont plus sujets aux meltdowns car ils disposent de moins de stratégies de régulation (le shutdown chez les enfants existe). Les adultes sont plus sujets aux shutdowns car ils sont plus « socialement acceptables » mais font aussi des meltdowns.
« Il n’y a qu’une seule forme de crise »
Réalité : « Il y a autant d’autismes que d’autistes ». Dans cette même logique, « il y a autant d’expressions des crises que de personnes autistes ».
« C’est juste une crise d’angoisse »
Réalité : Points communs mais crise d’angoisse = anxiété. Crises autistiques = surcharge sensorielle/émotionnelle/cognitive.
« La crise libère »
Réalité : Puisque la personne extériorise dans un meltdown, elle peut sembler se libérer de quelque chose. En réalité, la crise la draine de toute énergie.
« Il suffit de forcer, toucher, secouer pour débloquer »
Réalité : Cela risque d’empirer la crise en empirant la surcharge sensorielle. Ne jamais toucher la personne victime sauf si elle l’accepte ou le demande.
« Elle aurait dû prévoir les signes pour ne pas affecter les autres »
Réalité : Les signes ne sont pas toujours identifiables ou gérables. Ils ne sont pas non plus constants, ils varient.
📋 TL;DR : Retenir l’essentiel
- Définitions :
- Shutdown = implosion (mutisme, retrait, immobilité).
- Meltdown = explosion (cris, pleurs, agitation).
- Origine : surcharge sensorielle, émotionnelle, cognitive ou sociale.
- Différence avec crise d’angoisse : déclencheur (surcharge vs peur), durée (brusque vs progressive), après-crise (fatigue extrême vs soulagement).
- Signes précurseurs : isolement, communication réduite, hypersensibilités accrues, stimming plus intense.
- Gestion : réduire les stimuli, respecter l’isolement ou la demande de présence, repos et soutien après la crise.
- Prévention : pauses, respect des routines, limiter les imprévus et la surcharge.
📚 Pour aller plus loin
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