Voilà maintenant deux semaines que je suis rentré de mon voyage au Cambodge accompagné de ma bande d’amis. Dans l’article précédent, j’avais légèrement dévié en abordant des réflexions sociales provoquées par une bonne dose d’humour bien (ou mal) placée. Toutes tiraient l’origine du contexte : un voyage qui ne laissait que peu de place à l’intimité. On s’adonnait à toutes les activités ensemble. Aujourd’hui, c’est le temps de faire le point sur ces vacances insolites mais inoubliables.
Les deux premières semaines furent éreintantes. Je ne partageais pas la même vision du voyage que mes compagnons de route, et notamment celle de la copine de mon meilleur ami (que je qualifierai de « princesse » dans cet écrit). J’étais là pour le voyage, le mode de vie local. Elle était là pour les hôtels de luxe avec piscine. Et ils étaient là pour les restaurants les mieux notés (pas forcément les meilleurs, de mon constat), ou même souvent des restaurants n’ayant aucun lien avec la cuisine khmer.
J’ai alors décidé de prendre un hôtel séparé du leur à Siem Reap (la ville côtière des temples d’Angkor). Le soir venu, il convenait d’admettre que l’ambiance ne leur aurait pas sied. L’hôtel invitait à la fête et à la beuverie et invitait tous les vacanciers en escapade dans le centre-ville pour faire la tournée des bars.
Je ne le savais pas encore mais j’étais pleinement maniaque à ce moment. La dose d’alcool que j’ingurgitais quotidiennement depuis une quinzaine de jours aurait dû me mettre la puce à l’oreille. J’étonnais tous mes amis qui me voyaient boire sans sourciller et poursuivre mes journées d’exploration le lendemain comme si j’avais été sobre la veille.

Mon premier date
À 29 ans, je n’avais jamais eu de date de ma vie. Non pas que je n’avais pas essayé, mais que je n’avais jamais tant poursuivi l’objectif que ça. Je l’ai expliqué dans cet article : il m’arrive de vouloir être en couple, mais seulement lorsque je tombe amoureux. À chaque fois, ça s’est soldé par un échec. Tinder et consorts n’ont jamais donné de meilleurs résultats : quelques matchs ici et là en plusieurs mois d’utilisation. J’avais décidé d’en finir. Poursuivre n’aurait que brisé mon estime de moi-même.
Mais un ami s’est rendu sur Tinder pendant le voyage et a vu son compteur de likes et de matchs exploser. Curieux de voir ce qu’il en serait avec mon profil, je me suis inscrit avec mon numéro cambodgien. J’ai laissé la princesse choisir quatre photos à mettre en avant, rempli quelques critères et… oublié de mettre une bio. Un profil sauvage somme toute, très feignant.
Résultat : en quelques minutes, les likes ont afflué, puis les matchs. Certaines femmes se permettaient même d’envoyer le premier message (chose que je n’ai jamais vécue en France). Au début, je me contentais d’envoyer le même message pour constater la facilité avec laquelle je pouvais débuter une conversation, puis je me suis laissé porter par mon imagination.
Quelques heures plus tard, je discutais avec une femme cambodgienne qui m’a rapidement donné son numéro de téléphone et proposé qu’on se rencontre. Je ne savais pas encore s’il s’agissait d’une rencontre amicale ou plus si affinités… jusqu’à ce qu’elle se dise timide d’avoir un « premier date » avec un homme légèrement plus jeune qu’elle.
L’euphorie grimpe
Si on reporte le rendez-vous une première fois parce que je suis malade, elle se montre attentionnée (proposant de me rendre visite à l’hôpital) et nos échanges sont particulièrement plaisants. Une certaine tendresse, douceur, et une apparente sensibilité se dégagent de notre discussion.
Le second soir, à 23 heures, je suis allé la rejoindre dans un bar. Elle m’invite à boire avec elle en payant tout de sa poche, ce qui m’a un peu gêné au premier abord. On a alors bu quelques verres jusqu’à ce que la soirée finisse dans mon hôtel. Mais ce n’était pas ça le plus curieux : c’était la manière par laquelle elle avait su me mettre parfaitement à l’aise tout du long. Jamais je ne me suis senti anxieux ou douteux de mes comportements (elle n’avait pas connaissance de mes troubles, assez méconnus au Cambodge).

En fait, elle s’est comportée comme n’importe quel Cambodgien : ouverte d’esprit, accueillante et tendre. Et je me suis surpris pour la première fois à flirter avec quelqu’un. Je ne saurai jamais si c’était dû à l’effet de l’alcool ou de la situation, mais j’ai trouvé ça plaisant.
Et ça continue le lendemain
D’autant plus que rebelote, le lendemain, je me suis fait alpaguer par une amie de personnes que j’avais rencontrées à l’hôtel. Et avec qui j’ai fini par décrocher une deuxième soirée en tête à tête, cette fois encore plus agréable. On a eu l’occasion de discuter de mes difficultés et j’ai vu une parfaite inconnue pleurer pour la première fois des suites de ce que je lui avais raconté. Une profonde empathie comme j’en croise rarement.
Cette rencontre imprévue a changé ma vision du voyage. Je me suis attaché à elle rapidement et cela m’a fait relativiser sur les problèmes que je rencontrais avec mes amis pendant les premières semaines.
Bref, deux dates, les premiers de ma vie, et les deux se sont passés à merveille. Je ne cacherai pas qu’être occidental dans un pays d’Asie du Sud-Est facilite les choses et j’en ai même ri en référence à Barney Stinson dans How I Met Your Mother en parlant du challenge du 7-days streak (une fille par jour).

C’était évidemment une blague (multiplier les dates étant loin d’être quelque chose que je poursuis sans cela reste épuisant socialement) qui n’a pas plu à l’une de mes meilleures amies, qui m’a reproché mon second degré (car je n’avais jamais envisagé une telle objectivisation de la femme dans la réalité) et avec qui j’ai rompu le lien. Un lien qui aurait dû être brisé il y a des mois tant les reproches à l’encontre de mon identité (des reproches quant à mon autisme) s’accumulaient.
De belles choses me sont arrivées au Cambodge et la mise à terme d’une relation, qui m’a tellement foudroyé qu’elle a achevé mon épisode maniaque, m’a finalement été d’un grand soulagement.
Siem Reap et ses alentours
Pendant ces épopées romantiques, il m’a fallu faire visiter les alentours de Siem Reap à mes amis.
Les temples d’Angkor
Je passe rapidement sur l’expérience des temples d’Angkor, que j’avais déjà évoqués dans mon premier interlude, que j’ai pu voir en cours de rénovation. Et ce fut l’occasion surprenante de croiser des singes bordant les temples aux aguets du moindre touriste qui leur tendrait un petit objet. De curieuses créatures très malignes : j’en ai vu un ouvrir la fermeture éclair d’un sac à dos et essayer de s’enfuir avec un billet.
Scène très amusante mais dont les touristes n’hésitent pas à légèrement abuser en manipulant les singes pour jouer avec eux. On comprend très vite qu’il ne s’agit pas toujours d’un jeu pour ces bêtes, l’un ayant voulu m’agresser après qu’on lui ait retiré un briquet des mains pour ne pas qu’il se blesse en le mordant.
Plus tard, un peu à l’écart d’Angkor Wat — le temple le plus célèbre d’Angkor —, nous avons fait la rencontre d’un chien qui s’est laissé caresser après nous avoir approchés et m’a servi de modèle photographique.


Finalement, mes rencontres avec les animaux font partie de mes plus beaux souvenirs du voyage, qu’il s’agisse de la portée de chatons, des chiens ou des singes.
Les villages flottants
Ce que j’attendais cependant le plus de visiter, c’étaient les villages flottants. Vous savez, ces villages sur pilotis érigés à plus de 7 mètres d’altitude pour ne pas être immergés dans le Tonle Sap, le plus grand lac au monde, pendant la mousson. Ce lac passe de 2 500 km2 pendant la sécheresse à 12 000 km2 à la fin de la mousson. Impressionnant, non ?
En sécheresse, on se déplace donc à pied dans les villages. Et pendant la mousson, les villageois se promènent en canoës. Ils proposent des visites aux touristes à bord de bateaux rustiques en bois.
Avant de quitter Siem Reap, on a eu l’occasion de visiter deux de ces villages : Kampong Khleang le matin, à bord d’un bateau réservé pour le groupe. Deux heures de prises de vue magiques. C’était la première fois que je naviguais dans ces villages à bord d’un bateau au lieu d’utiliser mes jambes.
Le soir, on est revenus cette fois à Kampong Phluk, un village flottant plus célèbre, pour observer le coucher de soleil à l’horizon du Tonle Sap. On était accompagnés tout le long par notre chauffeur personnel cambodgien qui était ravi de faire la visite avec nous et d’être pris en photo pour un partage sur le blog. Il nous a même ramenés quelques boissons pour la visite. Un chauffeur adorable qui nous a conduit un peu partout à Siem Reap et Angkor.


Les villages flottants terminés, Siem Reap visité, quelques restaurants quelque peu fancy essayés, il était temps de quitter la ville pour aller se reposer quelques jours. On a choisi de s’arrêter cinq jours sur l’île de Koh Rong, souvent dénommée la perle de l’Asie du Sud-Est pour ses paysages et ses plages paradisiaques.
L’aventure Koh Rong
L’arrivée en bateau sur l’île est majestueuse. Exactement comme dans mes souvenirs. La plage est pleine de charme, remplie de cocotiers et bordée de commerces multicolores et de petits guest houses. On avait rendez-vous à l’opposée de l’île, au Nord, à Lonely Beach, une des plages les moins touristiques de l’île, les plus authentiques. Et pour ce, l’accès y est particulièrement compliqué.
Des Tuk-Tuks de compétition
Les Tuk-Tuk ont eu de grosses difficultés à aller le plus loin possible. Il a même fallu en pousser un qui s’était enlisé dans la boue. Le nôtre était un Tuk-Tuk de compétition qui riait à chaque dérapage de son véhicule et difficulté à se sortir de la boue. Bref, très bonne ambiance. Mais ils se sont arrêtés à un moment où le chemin devenait impraticable.
Quelle ne fut pas ma joie de m’aventurer dans un chemin cabossé et inondé accompagné de mes amis et de la princesse, le tout sur fond de musique du Seigneur des Anneaux. Une heure d’épopée épique qui n’a fait que s’améliorer quand la mousson nous est tombée dessus pendant la moitié du chemin, nous laissant arriver aux bungalows complètement trempés, valises mouillées (car j’ai joué un peu et baladé ma valise dans l’eau pour tester son imperméabilité (et du coup… elle ne l’était pas)).

Une plage isolée, calme
Mais finalement, ça s’est fait dans la joie et la bonne humeur, surtout avec la princesse de qui je n’attendais pas une telle prouesse et joyeuse d’avoir effectué ce périple pour arriver sur une plage qui portait bien son nom : elle était vide de touristes. Certainement pas la plus belle plage de l’île mais la seule plage où l’on a pu observer de la bioluminescence la nuit tombée.
Les bungalows, c’était une autre affaire. Pas de douche (seulement un bac d’eau et un seau pour verser de l’eau sur son corps). Je ne cache pas que je ne me suis pas lavé pendant deux jours, ayant la plage à proximité. Étant donné que les bungalows n’étaient pas entièrement fermés (faits de bois), je me suis retrouvé avec un scorpion dans mon sac et un gecko énorme et quelques araignées massives.
Sans aucun doute l’une des meilleures expériences de mon voyage.
Le départ mythique de Lonely Beach
Il s’est conclu par un départ sans encombre. Un scooter a pris nos valises en charge pour les amener jusqu’à une voiture qui nous attendait pour nous ramener sur une plage touristique et festive. Et là, catastrophe, on ne saura jamais si le chauffeur savait ce qui l’attendait en venant nous chercher mais nous nous sommes retrouvés sur une route presque impossible à traverser en voiture.
Mission: Impossible — Retourner au centre-ville.
Et mission réussie. Pas sans difficultés : on pouvait sentir le sol soulever le bas de la voiture et donc sentir le sol sous nos pieds. Arrivés à destination, deux morceaux de voiture décrochés. 20 euros le trajet pour des centaines d’euros de réparation. Le chauffeur qui s’amusait de la situation en conduisant avait l’air, si j’en crois mes amis, un peu effaré lorsqu’on l’a quitté.
La fin du voyage
Après une infection au pied prise tardivement au sérieux, après avoir fait la fête tous les soirs, et après avoir exploré un peu Koh Rong, on a fini le voyage à Kampot, d’où provient le poivre considéré comme le meilleur au monde.
Petite mention au Tuk-Tuk qui nous a conduit à Kep (la ville célèbre pour ses crabes bleus, à déguster, et délicieux), qui disposait d’une JBL à l’arrière de son véhicule. Il nous a laissés nous y connecter et lui faire découvrir des genres musicaux… peu communs pour le Cambodge. Thèmes de films d’animation Disney, rock, rap, et encore plus insolite, hardcore/frenchcore. Visiblement, ça lui plaisait : je pouvais le voir battre le rythme de son doigt sur son guidon.

Tout le monde était épuisé du séjour et on a donc profité de la ville calmement et beaucoup dormi avant de revenir à Phnom Penh le dernier jour du voyage.
De retour en France, je suis toujours en contact avec la Cambodgienne qui m’a abordé à l’hôtel (elle va vite en besogne puisqu’elle parle déjà de mariage (si j’avais su que je rencontrerais un jour quelqu’un de plus rapide que moi en relationnel…)). La première fois que j’étais revenu du Cambodge, j’avais fait l’expérience d’une sorte de blues.
Cette fois-ci, c’est différent. Car je sais que je vais y retourner.
Et cette fois, pas pour un voyage. Pour y vivre.
Je ne sais pas encore comment j’y retournerai.
Mais ce n’est plus une option — c’est une direction.
📸 Photographies personnelles prises ces derniers jours.
🧩 Je voyage comme je pense : avec intensité, structure et débordement. Beaucoup de personnes ici ne connaissent pas mon autre univers — j’écris aussi sur l’autisme, la bipolarité, et la façon dont elles altèrent la perception du monde. Si ce regard vous parle, vous aimerez peut-être cette partie-là de mon travail.
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